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vendredi 18 septembre 2009

AVIS D’EXPERT : RAMATA ALMANY MBODJ SOCIOLOGUE COORDONATRICE DES PROGRAMMES AUX CEGID (CENTRE DE GUIDANCE INFANTILE ET FAMILIALE)



«Les conséquences vont se répertorier sur sa personnalité et sur le développement de l’enfant»

Quelles peuvent être les conséquences des abus sexuels perpétrés sur des enfants de la rue dans une société en perpétuelle mutation ? Comment expliquer la démission des parents qui se déchargent de l’Education de leurs enfants qu’ils confient à des tiers ? Des questions latentes qui peuplent le quotidien de ceux qui s’intéressent un tant soit peu à la situation de ces enfants abandonnés dans la rue et objets de tous les abus. Coordonatrice des programmes du Centre de guidance infantile et familiale, la sociologue Ramata Almamy Mbodji édifie, dans l’interview qu’elle nous accordée, sur bien des aspects de la problèmatique. Et last not but least, elle met un doigt dans la plaie en dénonçant les pratiques peu orthodoxes de certaines Ong… Entretien.




Quel est le nombre d’enfants dans la rue ?

C’est avec beaucoup de prudence que je me prononcerais sur le nombre d’enfants dans la rue. Car il n’y a pas eu des études qualitative et quantitative qui donnent l’état des lieux des enfants dans la rue au Sénégal. Mais approximativement, ils sont estimés entre 100.000 et 200.000. Cependant, les données sont assez variées et variables selon la source car, certains estiment à 1.000.000 le nombre d’enfants dans la rue. Je sais que l’Unicef et le ministre de la Femme vont établir une étude sur la protection des enfants. On aura alors des données fiables sur le nombre d’enfants dans la rue et la situation des enfants victimes d’abus sexuels.

Les plus petits dont l’âge est compris entre 7 et 15 ans sont victimes d’abus sexuels. Cela ne jouera-t-il pas sur la conscience de l’enfant à sa majorité ?

A coup sûr ! D’après l’OMS en 2002, plus de 150 millions de filles et 73 millions degarçons de moins de 18 ans auraient subi un rapport sexuel imposé. Ses données influent quelque part sur la situation des enfants au Sénégal. D’ailleurs, une Ong a fait quelques documentaires et a estimé, en 2005, le nombre d’abus sexuels à 400 au Sénégal. Selon l'association Protect children taxawou xaléyi, 27 enfants ont étéabusés au camp de Yeumbeul des sinistrés des inondations.en 2005. Pour les enfants «talibés» au Sénégal, l’estimation était à 500.000 enfants de 7 à 12 ans en 2007. Au niveau de l’observatoire à Grand Yoff, nous recevons énormément de cas d’abus sexuels. En ce moment, nous suivons 7 cas répartis entre la commune et ses environs. Le nombre est néanmoins effrayant et les victimes sont le plus souvent des enfants.
L’observatoire prend la charge psychosociale, médicale et juridique de ces derniers. Mais, notre objectif serait d’avoir une structure qui s’occupe en amont et en avale de la problématique. Nous intervenons avec l’appui des structures de base de la commune en l’occurrence la Mairie, le réseau «Siggil jigeenyi», l’Asbef. Pour revenir aux problèmes que cela doit jouer sur la conscience de l’enfant, l’abus sexuel provoque des conséquences parfois irréparables en termes de troubles relationnelles et psychosociales sexuelles. Les conséquences vont se répertorier sur sa personnalité et sur le développement de l’enfant. Les troubles peuvent, à long terme, perturber la qualité relationnelle de la victime à l’âge adulte. Par conséquent, il faudra signifier que tout enfant peut être victime d’abus sexuel. Au Sénégal, nous traversons un contexte de crise, marqué par l’imitation sociale et la perte de repère et deréférence chez les enfants. Les plus exposés sont les enfants de la rue qui n’ont aucune protection sociale, à cause de leur interaction dans un milieu d’adulte. Nous constatons l’urgence de renforcement de capacités des parents auprès de leurs enfants, car ils sont laissés à eux-mêmes, sans surveillance.


Comment seront ces enfants d’ici des années face à une société qui n’a pas cherché à trouver une réponse claire à la situation ?

Il y a des initiatives locales qui apportent des réponses claires et qui attendent simplement à être harmonisées. Plusieurs associations militent contre l’abus fait aux enfants : l’observatoire GEGID (Centre de Guidance Infantile et Familiale), l’Association des femmes juristes, l’Association des sages femmes du Sénégal, Grapp, le réseau «Siggil Jiggen yi» entre autres structures. Mais, à un niveau plus élevé, nous devons sentir la main de l’Etat car, la thématique d’abus sexuel et maltraitance des enfants nécessitent une réponse efficace. Le professeur Serigne Mor Mbaye à parlé il y a 15 ans, de la mise en place des observatoires partout dans le pays pour la lutte contre la maltraitance et les abus des enfants. Malheureusement, il y eu une réponse tardive.


Sous le poids de la drogue et d’une sexualité abusive chez les enfants, faisons-nous face à une nouvelle forme de banditisme dans la capitale du Sénégal ?

Je dois revenir sur la définition de l’abus sexuel sur un enfant, pour approfondir sur les conséquences au sein de la société. L’abus sexuel peut être verbal, physique ou quand on montre à un enfant des choses qui peuvent l’inciter. Comme un film pornographique ou des caresses. Car, le plus souvent, les gens se réjouissent que l’enfant ne soit pas abusé sexuellement. Alors que l’incitation à l’acte sexuel chez l’enfant peut provoquer un traumatise. Les psychologues évaluent les traumatismes à un niveau visible et invisible. Du point de vue social, un enfant qui a été abusé sexuellement très tôt, c’est une personne qui à connu la difficulté, la contrainte physique et la violence. Cet ensemble d’éléments oppressifs peuvent l’amener à avoir des comportements d’adulte hors norme et cela crée des marginaux, s’il n’y pas d’accompagnement psychosocial pour éviter l’agissement barbare. Car, l’enfant risquede grandir avec des blessures profondes. Et cela se manifestera dans son comportement sur forme de violence et même sur la reproduction de l’acte sous forme pédophile. Car, les études ont montré que beaucoup de prostituées et de pédophiles ont été abusés durant leur enfance. Il serait évident que nous faisons face dans la société, à des individus agressés, frustrés, blessés au plus profond d’eux-mêmes.

Comment expliquez-vous cette insouciance des parents dont les enfants sont dans la rue depuis des années ?

Il y des pratiques socioculturelles traditionnelles qui ne militent pas en faveur des enfants. Des parents confient leurs enfants à un proche ou un marabout à lui disant : «je ne vous demande que ses os». Mais, ils oublient qu’on peut recevoir cet enfant dans des conditions qu’on regrettera après car, l’enfant peut décéder très tôt de malnutrition, d’abus, de maltraitance et d’autres choses. Donc, les parents doivent réaliser dans quelles conditions ils confient leurs enfants. Dire à ton proche que vous pouvez garder mon enfant jusqu'à la mort est un signe de désengagement. Qui souhaite la mort de son enfant ? Il faut que les parents puissent avoir cette responsabilité de suivi s’ils confient à une autre personne leur enfant. Le fait de confier son enfant à quelqu’un provoque une rupture et cela peut être source de perturbation chez l’enfant. De l’autre coté, cela devient le plus souvent source de violence dans la famille d’accueil qui ne se sent pas responsable vis-à-vis de l’enfant. La pratique de confier fait de l’enfant une proie. La situation difficile qu’endurent ces derniers s’explique par les pratiques traditionnelles, les familles mono parentales, le contexte de crise sociale et aussi les familles réduites à maman et papa. A ce stade, les enfants n’ont modèle d’influence que la télévision et les nouvelles technologies de l’information. Pour les autres, c’est dans la rue qu’ils découvrent énormément de choses par leurs pairs ou des individus plus âgés qui leur poussent à faire des découvertes sexuelles.

Nous avons l’impression que la société sénégalaise se complaît à laisser les enfants talibés dans la rue. Comment expliquer vous cet état d’esprit ?

Les pays frontaliers qui sont également dans la crise ont du mal à contenir leurs enfants. Nous ne rencontrons pas simplement dans la rue des enfants du Sénégal. Donc, il y à problème au niveau de frontières. Le Sénégal devient ainsi un vivier au niveau de la mendicité. Il y a également le problème de l’exode rural. Les écoles coraniques qui étaient à l’intérieur du pays migrent vers la ville à cause de la crise alimentaire. Il y a donc un véritable cafouillage dans la ville de Dakar alors qu’elle n’arrive pas à contenir toute la population. Il n’y a pas une stratégie de prise en charge de la population. Et la zone qui engloutit le plus de gens dans la ville, est Grand Yoff, qui est Dakar en miniature. Il doit avoir une synergie des actions pour une meilleure prise en charge des enfants. Il n’est pas concevable pour un pays qui à été pionnier dans la ratification des chartes et des conventions que la situation des enfantsrisque d’affecter le pays. Pourtant, dans la pratique, les choses avancent sur les questions de protection et de promotion des enfants. Il y a quelque année de cela, tous les problèmes liés à des actes barbares étaient des cas isolés. Nous avons l’impression que les Ong sont sensibles aux films tournés çà et là sur les enfants de la rue, plus que ceux qu’ils rencontrent dans les rues de Dakar.


Quelle appréciation faites-vous de la question ?

Les Ong au Sénégal ont fait un travail remarquable et de qualité parce qu’à une certaine période se sont elles qu’on a vu en avant pour la prise en charge des questions de promotion des droits de l’enfant. Malheureusement, parmi les Ong, il y en a qui sont plus sensibles à cette fibre média. Tout ce qui n’est pas média ne les intéresse pas. Nous qui sommes sur le terrain, qui côtoyons régulièrement des enfants vulnérables, sommes confrontés à des problèmes de base pour la survie de ces derniers. Or, il y en a qui investissent parmi ces Ong des millions sur un simple fait médiatique. C’est une problématique qui est très récurrente et qui spécifie à chaque structure sa priorité. Nous avons eu des difficultés à installer cet observatoire à cause des spécificités des problèmes. Car, beaucoup de personnes ont décrié ce programme de protection contre les abus sexuel faits aux enfants. Pour travailler sur la question des enfants il faut avoir l’esprit militant.
Propos recueillie par Mandiaye Petty BADJI

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