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jeudi 24 décembre 2009

A quoi joue la France avec les récentes déclarations alarmistes ?


Pour ce nouveau point de vue inspiré par la situation en Guinée, je m’interroge surtout sur le ramdam médiatique fait en France au sujet des propos de Bernard Kouchner, ministre des Affaires étrangères de la France. A écouter les médias, j’ai l’impression que M. Kouchner vient subitement de découvrir l’ampleur de la situation en Guinée, et aussitôt dit, aussitôt fait, a endossé le statut de celui qui défend plus fort que tout le monde les Guinéens.

Après la sortie du rapport d’Human Right Watch sur le massacre du 28 septembre, il n’y a pas eu autant de bruits sur la réaction du quai d’Orsay. Alors, pourquoi toutes ces mises en garde, tous ces propos qui nous feraient croire que demain, tout va sauter en Guinée suite au rapport de l’ONU ? Dans le fond, il dit la même chose que le rapport d’HRW, qui lui-même disait déjà la même chose que beaucoup de Guinéens ou les Forces Vives.

Alors quoi, on ne prend (médiatiquement) la mesure de quelque chose que quand ça vient de l’Onu, et pas tellement quand les locaux (principaux concernés) dénoncent ? Aujourd’hui, la France, par la voix de Bernard Kouchner, a un discours tendant à dire que la guerre civile est aux portes de la Guinée. Tiens donc, est-ce nouveau ? Même du temps de Lansana Conté, lorsque les syndicats et les jeunes manifestaient à Conakry, les risques de scission étaient déjà là, latents. Existerait-il un calendrier secret connu seulement de quelques-uns, et qui pousserait à appuyer sur le champignon à un moment précis ? Pourquoi ce discours du quai d’Orsay aujourd’hui ?

Oui, je sais, je me répète, mais j’essaye de comprendre parce que même avec tous les articles lus sur le sujet, l’attitude (discours alarmiste) actuelle de la France, je ne comprends pas trop : 1-Pourquoi maintenant ? 2- Dans quel but ? 3- Est-ce à la France de crier plus fort que les Guinéens au point que derrière ce qui peut être une bonne intention, moi (peut-être suis-je parano, qui sais !), je vois comme un arrière-goût de paternalisme voire de récupération à la sauce "Voyez, qu’est-ce qu’on les défend bien, ces Guinéens !" ?

Pour Bernard Kouchner, un retour de Dadis Camara en Guinée fait planer la menace d’une guerre civile. Mercredi, c’est l’ambassadeur adjoint de la France à l’Onu qui demandait la traduction en justice des responsables du massacre du 28 septembre à Conakry, après les déclarations la veille de Bernard Kouchner. Mardi à l’Assemblée nationale française, suite au rapport de la commission d’enquête de l’Onu concernant les massacres de Conakry, Bernard Kouchner a déclaré : "Je souhaite que Moussa Dadis Camara reste dans son lit au Maroc et non qu’il revienne car il serait capable - rien que son retour - de déclencher une guerre civile et on n’en a pas besoin."

Je ne sais pas pour vous amis CFnootes, mais moi, j’ai l’impression qu’une offensive diplomatique a été lancée, avec tous ces gens qui montent au front pour dénoncer une situation … déjà dénoncée depuis des lustres par le peuple guinéen. Pourquoi avoir attendu le rapport de l’Onu pour nous sortir autant de déclarations sur le péril imminent menaçant la Guinée ? Encore une fois, M. Kouchner vient de s’en rendre compte ? L’Onu, qui avait diligenté une enquête sur les massacres et viols de Conakry, a sorti un rapport qui accable la junte. Et si on la laissait faire son travail, à moins qu’elle n’ait demandé au ministre d’un pays en particulier de se placer en position de défenseur numéro un du peuple guinéen ?

Autre question, quelqu’un m’expliquera-t-il enfin les deux poids deux mesures constatés quand il s’agit pour la France de réagir aux tensions politiques touchant ses anciennes colonies africaines ? Au Gabon, la France a adoubé le candidat Ali Bongo, malgré une élection plus que controversée. J’ai dû oublier ou les zapper, mais, c’était quoi les mots du quai d’Orsay sur les morts de Port-Gentil au Gabon ? Réagir, chaque pays peut décider unilatéralement de le faire, suite à la situation dans un autre pays. Mais faut-il pour autant réagir en laissant l’impression qu’aucune voix n’existe dans le pays concerné pour dire la même chose ? Je le re-concède, je vois peut-être matière à suspicion là où il n’y en a pas, mais cette façon de faire, pour moi, ça sent trop le "je tire la couverture de défenseur à moi", et au passage, qui passe encore pour un qui restera éternellement défendu par d’autres ?

Pour en revenir à la Guinée-Conakry, qui suit l’actualité de ce pays, a dû se rendre compte des efforts faits par la Cedeao (Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest) dans la recherche d’une sortie de crise, et surtout, de ses propos pas toujours tendres envers la junte. Et si on laissait la Cedeao, en un mot les premiers concernés, les AFRICAINS, régler eux-mêmes leurs conflits, avec au besoin l’aide de l’ONU ou de tout autre pays, SI et QUAND on le lui demande ? Dans le cas ivoirien, il a fallu qu’Ouagadougou entre dans la danse, pour que les ex-rebelles et le pouvoir puissent concrétiser les ambitions de paix. Beaucoup reste certes à faire, mais, entre les négociations de Marcoussis (un problème supposé ivoiro-ivoirien discuté en France), ou les négociations au Burkina-Faso, on voit par où est venue une solution pérenne. Preuve s’il en est que dans les conflits africains, pas toujours besoin d’une France qui crie plus haut que tout le monde, pour trouver une solution. Le peuple guinéen vit déjà une situation assez difficile et complexe pour en rajouter.

Surtout, à voir l’empressement médiatique qui entoure les déclarations de M. Kouchner, on pourrait croire, vu de la France, que sur place, pas grand chose n’est fait pour "soutenir" le peuple guinéen contre une junte accusée aussi bien par les Forces vives guinéennes, que par les ONG ou l’ONU. Ma petite analyse de femme d’origine africaine me montre une fois de plus une France qui veut parler plus fort que le voisin, histoire de se mousser ou de dire que c’est elle qui en fait le plus ? Et comme je dis parfois : à un certain moment, (ONU mise à part), que tous ces "défendeurs" de l’Afrique prennent un peu le large, et laissent les Africains régler leurs problèmes entre eux. Il y aura des dégâts collatéraux certes, mais au moins, la solution trouvée le sera par les intéressés, et n’apparaitra pas comme une solution trouvé grâce au rôle d’untel.


par Minsili ZANGA
©Culturefemme.com

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